Une proposition de loi pour accélérer les expulsions locatives
23 octobre 2025
Le coliving est de plus en plus pratiqué par les bailleurs, et toujours plus apprécié par une certaine cible de locataires. Il devient une réponse moderne à la crise du logement urbain.
Le principe : proposer à chaque locataire une chambre privée au sein d’un immeuble ou d’un grand appartement, tout en partageant des espaces communs (cuisine, salle de sport, coin détente, parfois même un espace de coworking).
Ces résidences attirent surtout les étudiants et les jeunes actifs, souvent confrontés à des loyers prohibitifs ou à la rareté des petites surfaces en métropole.
Le coliving leur offre une solution flexible, conviviale et sans engagement long terme, tout en intégrant des services (ménage, internet, conciergerie) directement inclus dans le loyer.
En Île-de-France, le phénomène s’est développé à grande vitesse.
Selon l’Institut Paris Région, 7 500 lits sont déjà recensés, et près de 6 800 projets sont en préparation dans la capitale.
Pour la municipalité parisienne, le coliving n'est pas une innovation sociale, mais plutôt un contournement de l’encadrement des loyers.
Plusieurs élus dénoncent un système qui profite surtout aux spéculateurs immobiliers.
Le problème, c'est le statut même de ces logements, situés dans une « zone grise » réglementaire : certains projets sont enregistrés comme habitations, d’autres comme surfaces commerciales, et ils échappent ainsi à certaines contraintes locatives. Une ambiguïté qui permettrait de fixer des loyers largement supérieurs aux plafonds légaux.
Selon une élue communiste interviewée par France 3 : "Il suffit de mettre trois rameurs de sport dans une salle commune pour appliquer un complément de loyer qui échappe à l'encadrement", et "des chambres de 20 mètres carrés pouvant être louées jusqu'à 1.850 euros".
Dans ce contexte, la municipalité entend reprendre la main sur un phénomène qui lui échappe, en instaurant un encadrement plus strict (voire un refus de nouveaux projets).
Face à cette dérive du marché, la Ville de Paris a choisi de passer à l’action. Lors du dernier Conseil de Paris, les élus ont adopté une délibération annonçant une politique dite du « zéro coliving ».
Concrètement, cela signifie que la municipalité refusera désormais tout nouveau projet de résidence de ce type proposé par des promoteurs.
Elle marque la volonté de la capitale de reprendre le contrôle sur un segment du marché locatif devenu incontrôlable.
En parallèle, la ville prévoit de créer une cellule municipale dédiée au contrôle des colivings existants. Cette équipe aura pour mission d’évaluer les projets déjà livrés, d’identifier leurs statuts juridiques et de vérifier le respect des règles d’encadrement des loyers.
Avec cette mesure, Paris devient la première ville de France à se positionner ouvertement contre ce type d’habitat collaboratif. Un choix qui, selon ses partisans, pourrait inspirer d’autres métropoles confrontées à la même flambée immobilière.
Mais sur le plan juridique, notons quand même que la délibération parisienne ne crée pas une interdiction formelle.
💡A lire aussi : Opération d'achat revente : ce qu'on oublie de préciser
Certes, la décision de la Ville de Paris ne fait pas l’unanimité. Dans les rangs de l’opposition municipale, plusieurs élus dénoncent une posture idéologique qui risquerait de freiner l’innovation dans un secteur déjà sous tension.
Aurélien Véron, élu Les Républicains du groupe Rachida Dati, accuse la majorité parisienne de vouloir « interdire ce qui marche » et de s’en prendre à une forme d’habitat qui répond à une demande réelle.
Selon ces voix critiques, le coliving reste un phénomène marginal à l’échelle du parc locatif parisien.
Il représenterait une bouffée d’air pour une génération de jeunes actifs, de travailleurs nomades et d’étudiants qui peinent à accéder à un logement classique.
Plutôt que de le bannir, certains estiment qu’il faudrait en corriger les excès : mieux encadrer les loyers, clarifier le statut juridique, ou imposer des quotas par quartier.
Face à la montée du débat, certains responsables politiques plaident pour une réglementation nationale plutôt qu’une interdiction locale. Ian Brossat lui-même, à l’origine de la politique du « zéro coliving », a déposé une proposition de loi visant à mieux définir ce type d’habitat.
Cela permettrait de fixer des règles précises sur la surface minimale, le niveau des loyers, les services inclus ou encore le statut fiscal de ces résidences. Il s’agirait de combler le vide réglementaire qui favorise aujourd’hui les abus.
Ce débat pourrait rapidement dépasser les frontières parisiennes. Dans plusieurs grandes villes en zone tendue (Lyon, Bordeaux, Marseille ou Lille) les élus observent de près la situation.
À terme, on pourrait voir apparaître une harmonisation nationale, à l’image de ce qui a été fait pour les locations touristiques.